EPP-APS Enseigner la Psychologie Clinique

Enseigner la Psychologie Clinique: Les Quatre Leçons Fondamentales que Tout le Monde Peut Maîtriser

John C. Norcross[1] and Christie P. Karpiak

Auteur à joindre pour la correspondance:

John C. Norcross, Department of Psychology, University of Scranton, Scranton, PA 18510, USA

Email: [email protected]

 Abstract

As both a subject area and a potential career, clinical psychology fascinates undergraduates. In this article, the authors present four lessons that all psychology students can master: connecting to psychological science, committing to evidence-based practice, adapting treatment to the person, and becoming all that a clinical psychologist can be (in contrast to providing only psychotherapy). These les- sons map directly on research directions in the field and refute common misconceptions about clinical psychology. The authors recommend multiple in-class activities and between-class assignments to illuminate these lessons and to engage students in the material.

Résumé

Que ce soit en tant que sujet ou en tant que carrière potentielle, la psychologie clinique fascine les étudiants en licence. Dans cet article, l’auteur présente les quatre leçons que chaque élève en psychologie devrait maîtriser : se relier à la science psychologique, s’engager dans une pratique scientifiquement fondée, adapter le traitement à chaque personne, et explorer toutes les possibilités du psychologue clinicien en devenir (en dehors de la simple psychothérapie). Ces leçons sont basées sur les orientations actuelles de recherche et réfutent les idées reçues communes au sujet de la psychologie clinique. Les auteurs recommandent de nombreuses activités en classe et des devoirs entre les cours pour illustrer ces leçons et pour impliquer les étudiants dans le contenu transmis.

Keywords

clinical psychology, teaching, evidence-based practice, undergraduate psychology

Mots clés

psychologie clinique, enseignement, EBP ou pratique fondée sur les preuves, licence de psychologie

 


Penser avec l’esprit d’un scientifique et sentir avec le cœur d’un humaniste.

Durant les quatre dernières décennies, ce leitmotiv nous a guidés dans notre enseignement de psychologie clinique en licence, ainsi que dans les cours d’introduction à la psychologie dédiés à la clinique. Les psychologues cliniciens occupent une niche spéciale dans laquelle ils exercent deux rôles simultanément : les scientifiques parmi les praticiens, et les praticiens parmi les scientifiques. Devenir un scientifique et un praticien compétent augmente la charge et la durée de formation en psychologie clinique. Cela sert également de source de vitalité professionnelle et offre une fascination inépuisable. Il n’est pas étonnant de voir que plus de 50% des licenciés en psychologie, décideraient de continuer leur carrière en psychologie clinique ou en psychothérapie, si cela ne tenait qu’à eux (et à leurs notes au GRE, Graduate Record Examinations ) (Kohout & Wicherski, 2010; Norcross & Sayette, 2012).

En même temps, ceux qui donnent des cours de psychologie clinique en licence rencontrent des problèmes d’enseignement tout particuliers. Les idées reçues dans ce domaine sont nombreuses, et sont complexifiées par le fait que les étudiants ont tendance à séparer la psychologie clinique et la psychologie dite « scientifique ». De nombreux étudiants qui choisissent de faire un master en psychologie sont intéressés par la psychothérapie, et une majorité n’est pas particulièrement férue de recherches scientifiques d’investigation. Bien que ces étudiants en master, surtout intéressés par la pratique, deviennent compétents en science psychologique, ils considèrent rarement la psychologie comme un champ d’étude scientifique, et estiment que la science psychologique n’a pas de valeur dans les réflexions cliniques (voir Holmes & Beins, 2009). Les textes introductifs de psychologie alimentent ce problème en perdant leur rigueur scientifique dans les chapitres traitant de la psychothérapie. Ils y soulignent souvent son histoire compliquée, ses théories contradictoires, et des conclusions scientifiques trop simplifiées. D’ailleurs, la grande majorité des manuels d’introduction à la psychologie décrivent la psychothérapie comme une activité multidisciplinaire et négligent de détailler les responsabilités spécifiques à la discipline de la psychologie clinique. En faisant cela, ils dévaluent et déforment notre champ d’étude. Dans cet article, nous présentons quatre leçons que tous les élèves en psychologie, qu’ils soient inscrits dans un cours introductif ou dans un cours de master poussé, peuvent maîtriser. Ces leçons se basent directement sur les recherches actuelles et réfutent les idées reçues de la psychologie clinique. Dans le passé, nous commencions nos cours en corrigeant directement ces mythes, mais l’ambiance sous-jacente dégénérait fréquemment en une sorte de camp de rééducation communiste dans lequel les étudiants découvraient soudainement à quel point ils avaient été mal informés et manipulés. Aujourd’hui, nous commençons par enseigner et illustrer des leçons fondamentales tout en réfutant indirectement ces idées reçues. Tout au long du cours, l’objectif premier est de développer la compréhension de l’étudiant concernant l’intégration de la science et de la pratique qui devraient (idéalement) caractériser la psychologie clinique moderne. Nous commençons donc notre article en abordant cela.

Se relier à la Science Psychologique

À la fois dans un cours d’introduction à la psychologie et dans un cursus global de licence, la psychologie clinique a tendance à être abordée en dernier. Nous aimerions expliquer cela par le fait que la psychologie clinique est l’aboutissement de tous les fondements traités précédemment, mais la plupart des étudiants ont tendance à penser qu’ils vont devoir se plonger dans les statistiques, les méthodes de recherche et autres outils indispensables avant de pouvoir s’attaquer au « bon morceau », la clinique. Ainsi, les étudiants estiment souvent que la psychologie clinique est séparée du reste du cursus et de la science. Nous nous attelons donc à souligner le lien fort qui relie le travail clinique et la science psychologique. Le psychologue clinicien (et l’étudiant) idéal, selon nous, a des scores élevés dans les rubriques « enquêteur » et « services sociaux » du Strong Interest Inventory[2] (Harmon, DeWitt, Campbell, & Hansen, 1994). Que l’on préfère le modèle Boulder, qui évoque le chemin du praticien scientifique (PhD) ou le modèle Vail, préférant le chemin de praticien académique (PsyD), les deux titres englobent l’implication duelle dans la science et la pratique.

Néanmoins, certains de nos collègues souhaitent tellement souligner le fondement scientifique qui sous-tend le travail clinique qu’ils oublient de se focaliser sur la capacité à aider et à guérir. D’autres collègues insistent trop sur les aspects relationnels du travail clinique et finissent par le décrire comme un mythe épique, et immaîtrisable. Trouver l’équilibre entre la science et la pratique occupe une grande partie de notre enseignement et motive la plupart de nos devoirs donnés en cours. La science psychologique peut aider les praticiens à déceler le travail clinique efficace. Nous demandons fréquemment aux étudiants d’identifier un trouble du comportement spécifique, une méthode de traitement, et une population psychopathologique qui les intéressent. Nous leur demandons ensuite de lire une revue Cochrane. Considéré comme un incontournable dans les revues de recherche en santé mentale, le Cochrane Database of Systematic Reviews (www.thecochranelibrary.com) comprend des comptes rendus qui identifient et synthétisent parfaitement des RCTs (Randomized clinical Trials) ou ERC en français (Essais Randomisés Contrôlés) sur des sujets de santé divers. Ce devoir permet aux étudiants d’évaluer quelle quantité de recherche scientifique synthétisée est disponible dans les revues Cochrane et comment la science et la pratique clinique sont reliées. Ces devoirs ont également un effet salutaire car ils identifient les domaines de la pratique qui n’ont pas assez d’essais contrôlés et les domaines de prédilection des étudiants qui ont été discrédités.

‘‘Tout d’abord, ne pas nuire’’

C’est un précepte éthique que les étudiants destinés à la pratique prennent rapidement en considération. Il permet de vifs débats en classe, même quand il n’y a pas assez de temps pour donner des lectures complémentaires au sujet de l’éthique professionnelle. Une fois que les élèves mesurent l’importance de l’éthique, l’enseignant peut évoquer la question de la minimisation du dommage causé au client. Des exemples évidents émergent (par exemple, ne pas coucher avec ses clients), et l’enseignant peut introduire des exemples plus subtils qui soulignent l’importance de la science dans la minimisation des risques. Les étudiants pensent qu’un dommage se produit uniquement avec des praticiens malintentionnés et négligents et sont étonnés d’apprendre que des praticiens bienveillants, qui utilisent des approches paraissant adaptées, peuvent faire plus de mal que s’ils ne faisaient rien du tout. En classe, nous discutons des pratiques discréditées dans le domaine de la santé mentale (voir Norcross, Koocher, Fala, & Wexler, 2010; Norcross, Koocher, & Garofalo, 2006), ainsi que les traitements psychologiques qui peuvent causer des dommages (Lilienfeld, 2007). Un exemple simple de mise en garde que nous pouvons mettre en lien avec la science psychologique est l’utilisation de la communication facilitée dans les Troubles du Spectre Autistique (TSA). Avec la communication facilitée, les intervenants tiennent la main ou le bras de l’individu atteint d’un TSA au-dessus d’un clavier, et cette personne utiliserait l’ordinateur pour communiquer avec les autres. Avec cette quantité d’informations, les étudiants peuvent alors générer un protocole de recherche simple, qui s’apparente à celui qui a réfuté la communication facilitée par la suite. En effet, ils peuvent proposer de montrer des images différentes au facilitateur et à l’individu atteint d’un TSA pour voir ce qu’il tape (Siegel, 1995). Nous mettons en lien cette étude avec d’autres études de science psychologique dans lesquelles les personnes influencent, sans le savoir, les réponses des autres (voir Wegner, Fuller, & Sparrow, 2003). Une discussion autour des dommages causés à la personne s’en suit, et les étudiants mesurent immédiatement la valeur de l’élaboration de protocoles de recherche. Ils explorent également la nocivité potentielle des traitements sans fondement ou réfutés. Les enseignants peuvent alors aborder beaucoup de traitements psychologiques discrédités, et potentiellement néfastes : les thérapies aversives, des techniques de récupération de mémoire, les programmes DARE (au sujet de l’abus et de la dépendance à la drogue), la thérapie par l’orgone de Reich, la thérapie par régression dans les vies antérieures et le rebirth sont tous des exemples de pratiques qui ne sont pas retenues par la recherche et qui peuvent mal tourner. En même temps, ces traitements montrent que la psychologie clinique peut s’autocorriger et qu’il est important de maîtriser les fondements scientifiques de notre domaine. Lors d’une conclusion de ces discussions en classe, nous avons demandé « alors, quel est le point essentiel à retenir ? ». Un étudiant attentif est rapidement intervenu, « ignorer la science fait du mal aux gens ». Exactement. Et un autre étudiant a ajouté,  « et nous ne perdons pas notre temps en cours de statistiques et de méthodes de recherche! ». Encore mieux. Des exemples cliniques tels permettent de retourner au cœur des choses. Il est essentiel que les étudiants comprennent comment séparer la responsabilité du praticien, pour éviter des traitements inutiles ou potentiellement néfastes, et l’expérience du parent ou du patient. Par exemple, il serait irresponsable de laisser les étudiants avec l’impression que les parents qui ont essayé la communication facilitée avec leurs enfants auraient dû savoir que cette méthode était mauvaise ou que des cliniciens auraient dû donner une « leçon scientifique » aux parents pour le leur expliquer. Des enregistrements de parents qui discutent du jour où ils ont reçu le diagnostic de TSA pour leur enfant sont utiles car ils permettent de développer l’empathie des élèves, et la discussion qui suit peut les aider à comprendre que le savoir scientifique d’un praticien n’est pas son seul outil lors d’une rencontre thérapeutique. Rater le “cœur” de cette rencontre peut aussi causer des dommages en faisant fuir un client qui n’utilisera donc pas la technique psychologique qui aurait pu l’aider, voire aucune autre dans le futur.

S’engager dans une Pratique Fondée Scientifiquement

L’Evidence-Based Practice[3] (EBP) conjugue trois pistes: la recherche, l’expertise clinique, et les caractéristiques des patients. L’EBP est née au Royaume-Uni et « exige l’intégration des meilleurs résultats scientifiques, de notre expertise clinique, et des valeurs et situations uniques de nos patients [4]» (Straus, Richardson, Glasziou, & Haynes, 2005, p. 1). L’American Psychological Association (APA, 2006) propose une définition similaire de l’EBP: “l’intégration de la meilleure recherche disponible et de l’expertise clinique, le tout adapté au contexte des caractéristiques, de la culture et des préférences du patient [5]» (p. 273). Ces définitions ne sous-entendent pas l’existence de trois piliers séparés mais plutôt de trois cercles imbriqués (voir la figure 1).

figure1
Figure 1. Les trois composantes imbriquées de l’EBP

L’EBP a lieu, littéralement et au sens figuré, à l’intersection de ces trois cercles. Parmi ses trois composantes, « la meilleure recherche disponible » a la primauté, mais ne constitue pas l’EBP à elle seule. C’est le fait d’inclure l’expertise clinique et les caractéristiques des patients qui permet de distinguer l’EBP des « traitements à fondements empiriques » ne désignant que les méthodes de traitement, avec des bases scientifiques solides, élaborées pour des troubles spécifiques (Norcross, Hogan, & Koocher, 2008). Malheureusement les textes introductifs ne décrivent que très sommairement l’EBP, limitant les protocoles de recherche aux ERC (Essais Randomisés Contrôlés) et réduisant un processus complexe à une liste non-exhaustive d’interventions soutenues par la recherche. Cette simplification abusive la rend rigide et monotone comparée aux thérapies historiques qui sont souvent abordées dans le même chapitre. Ceci favorise également l’émergence d’une notion fausse et irréaliste selon laquelle, pour un praticien, l’EBP est aussi simple que le fait de sélectionner et d’appliquer un traitement issu de la liste, sans prendre en considération le rôle du clinicien, la contribution du patient, ou l’alliance thérapeutique. Après avoir correctement défini l’EBP et mis à mal cette description erronée grâce à la recherche, nous avons œuvré afin de mettre en lumière la réelle complexité et efficacité de l’EBP. Voici trois manières intéressantes de l’enseigner aux étudiants dans toute sa complexité. Tout d’abord, il faut introduire ce concept en montrant des démonstrations vidéo de traitements psychologiques, dont la base est toujours scientifique. Nous faisons cela en montrant des portions de premières séances d’une psychothérapie interpersonnelle pour la dépression, suivies de premières séances d’une thérapie cognitive adaptée au même trouble. Les étudiants doivent alors observer chaque thérapeute pour identifier sa posture générale, ses comportements spécifiques et ses intentions probables. Les licenciés remarquent notamment les différences en termes d’empathie du thérapeute, de comportement non verbal, et des questions posées. Ils ont besoin d’aide, en revanche, pour relier les interventions du thérapeute avec une approche théorique spécifique. Nous soulignons tout d’abord la différence entre ces deux traitements, pour ensuite leur expliquer que la thérapie cognitive et la psychothérapie interpersonnelle se sont toutes deux avérées efficaces pour un épisode dépressif majeur. Ils doivent alors se demander comment l’EBP va au-delà de la simple sélection d’une « marque » de thérapie (voir Ablon & Jones, 1999). Ils reconnaissent presque inévitablement la puissance des relations thérapeutiques et la contribution du patient, deux composantes qui prédisent efficacement le succès d’un traitement, comme des décennies de recherche le prouvent (Norcross, 2011). Deuxièmement, nous demandons aux étudiants de lire une autobiographie écrite par un patient, qui souligne comment la perspective unique du patient contribue à la santé mentale. Les autobiographies permettent de faire l’expérience approfondie des pathologies et des traitements psychologiques—c’est-à-dire de faire l’expérience d’être de l’autre côté du divan. Ceux qui ont lu les récits autobiographiques de la psychanalyse de Freud, par exemple, sauront apprécier la présence de la perspective nouvelle du patient qu’il y incorpore (Lynn & Vaillant, 1998). Intégrer des récits autobiographiques dans les cours a eu beaucoup de succès en général (Norcross, Sommer, & Clifford, 2001), notamment pour faire comprendre l’importance de la contribution du patient. Nous avons choisi et listé des autobiographies de très grande qualité (Voir le Tableau 1; Norcross et al., in press) pour optimiser l’apprentissage des étudiants et, pour être tout à fait honnête, pour éviter de lire des centaines de récits que Joyce Carol Oates appellerait “pathographies”. Troisièmement, pour démontrer l’association des trois sources de l’EBP, nous abordons le processus en lui-même. Le processus d’intégration commence avec cette question, « que dit la recherche ? ». On se demande alors, « quelles sont les caractéristiques des patients qui sont pertinentes dans ce cas ? ». Cette question comprend les préférences du patient, qui peuvent nécessiter une évaluation toute particulière. L’expertise clinique est présente tout au long de ce processus, et permet de le diriger. Plutôt que de procéder de façon linéaire, le processus est interactif et récursif. AAA TIE (ou triple A TIE, l’acronyme des 6 étapes en anglais) propose un résumé utile des compétences nécessaires pour mettre en œuvre l’EBP (Norcross et al., 2008):

  • Poser une question clinique spécifique;
  • Se fournir la meilleure recherche disponible et profiter pleinement des ressources en ligne;
  • Évaluer cette recherche, sa qualité et son applicabilité;
  • Traduire la recherche pour qu’elle s’applique de manière pratique au cas en question;
  • Intégrer l’expertise du clinicien et les caractéristiques, la culture et les préférences du patient et
  • Évaluer l’efficacité du processus dans son ensemble

Le processus de l’EBP demeure fascinant, et aussi frustrant, dans la pratique clinique. Lors de nos moments les plus créatifs, nous avons mis en place des fausses réunions d’équipe pour discuter du traitement pour un patient particulier ou pour un groupe de patients, en apportant leurs dossiers médicaux et nos blouses blanches pour animer l’exercice. Les étudiants voient alors la nécessité de la recherche scientifique alliée aux réflexions des cliniciens et des patients, et respectent ce processus. Une conséquence imprévue (et fortuite) de ces exercices est que les étudiants apprennent à faire la différence entre psychologues cliniciens et autres professionnels de la santé mentale. En effet, seuls les cliniciens bénéficient d’une formation exhaustive en statistiques et en méthodes de recherche. La conscience de cette réalité ne dévalue pas les autres disciplines de santé, mais nous comprenons ceux qui nous demandent ensuite « Comment font donc ces autres professionnels pour comprendre et utiliser les rapports de recherche ? ». Bonne question.

Tableau 1. Titres des 50 meilleures autobiographies “self-help’

Letting Go (mort de deuil) Schwartz
Breaking Free from Compulsive Eating (TCA) Roth
Tuesdays with Morrie (développement personnel) Albom
A Grief Observed (mort et deuil) Lewis
Elegy for Iris (démence/Alzheimer’s) Bayley
Emergence (autisme et Asperger) Grandin and Scariano
Death Be Not Proud (mort et deuil) Gunther
Night Falls Fast (suicide) Jamison
A Man Named Dave (maltraitance) Pelzer
Broken Cord (abus de substance) Dorris
The Lost Boy (maltraitance) Pelzer
The Center Cannot Hold (schizophrénie) Saks
An Unquiet Mind (trouble bipolaire) Jamison
The Year of Magical Thinking (mort et deuil) Didion
Heart of a Woman (problèmes de femme) Angelou
The Soloist (schizophrénie) Lopez
The Wheel of Life (mort et deuil) Kubler-Ross & Gold
Feeding the Hungry Heart (TCA) Roth
Motherless Daughter (mort et deuil) Edleman
Darkness Visible (depression) Styron
I Never Promised You a Rose Garden (schizophrénie) Greenberg
The Noonday Demon (dépression) Solomon
After the Death of a Child (mort et deuil) Finkbeiner
Out of the Depths (schizophrénie) Boisen
The Panic Attack Recovery Book (troubles anxieux) Swede & Jaffe
The Virtues of Aging (vieillesse) Carter
Girl, Interrupted (états limites) Kaysen
Beautiful Boy (abus de substance) Sheff
ADHD Handbook for Families (TDAH) Weingartner
Too Much Anger, Too Many Tears (schizophrénie) Gotkin and Gotkin
Undercurrents (dépression) Manning
Getting Better: Inside AA (abus de substance) Robertson
Skywriting (trouble bipolaire) Pauley
The Happiness Project (bonheur) Rubin
Am I Still Visible? (TCA) Heater
Deborah, Golda, and Me (problèmes de femme) Pogrebin
The Little Monster (TDAH) Jergen
A Brilliant Madness (trouble bipolaire) Duke and Hochman
Born On A Blue Day (autisme et Asperger) Tammet
Welcome, Silence (schizophrénie) North
A Drinking Life (abus de substance) Hamill
On the Edge of Darkness (dépression) Cronkite
Go Ask Alice (abus de substance) Anonymous
Leaves from Many Seasons (dépression) Mowrer
Parenting a Child with ADHD (TDAH) Boyles and Contadino
Codependent No More (addictions) Beattie
Drinking: A Love Story (abus de substance) Knapp
Diary of a Fat Housewife (TCA) Green
Down Came the Rain (dépression) Shields
The Fountain of Age (vieillesse) Friedan

 

Adapté avec la permission des auteurs du livre Self-help that Works (4th ed.), by J. C. Norcross, L. M. Campbell, J. M. Grohol, J. W. Santrock, F. Selagea, and R. Sommer (in press). New York: Oxford University Press.

 

Adapter le Traitement à la Personne

L’intégration constitue une première étape très importante : elle permet d’élargir le répertoire thérapeutique et d’englober toutes les méthodes qui marchent. Mais comment un clinicien sait-il quelles méthodes marchent et quand il faut les utiliser ? La deuxième étape est connue sous le nom d’adaptation du traitement ou de « prescriptive matching » ; son objectif est d’améliorer l’efficacité de la psychothérapie en créant un traitement sur mesure pour le patient et la situation unique. En d’autres termes, nous retournons aux différences individuelles qui sont au cœur de la science du comportement humain. Habituellement, le « prescriptive matching » propose d’adapter la psychothérapie au trouble ou aux difficultés du patient, et cette approche s’avère efficace pour les troubles spécifiques (Barlow, 2007; Nathan & Gorman, 2007). Cependant, relier simplement une psychothérapie spécifique à un trouble spécifique est une méthode incomplète et qui n’est pas toujours profitable (Wampold, 2001). Comme le disait Sir William Osle, père de la médecine moderne, « Il est parfois plus important de savoir quelle sorte de patient présente le trouble plutôt que quel trouble présente le patient. » Ci-dessous, nous décrivons différentes manières d’apprendre comment faire correspondre un traitement à une personne (et non simplement à un trouble) et en quoi cela est de la plus haute importance. Demandez à vos étudiants de faire des comptes rendus de méta-analyses et de revues Cochrane sur l’efficacité des traitements psychologiques pour les troubles mentaux. Demandez-leur d’identifier les troubles pour lesquels la recherche souligne la supériorité incontestable d’une méthode de traitement. Deux schémas impressionnants émergent souvent de leurs travaux. Tout d’abord, les étudiants apprennent que certains troubles répondent en effet tout particulièrement à certaines techniques spécifiques : la guidance parentale (PMT en anglais) pour les troubles de la conduite chez l’enfant, les thérapies d’exposition pour le TOC, les thymorégulateurs pour le trouble bipolaire, et la thérapie conjointe du couple pour les problèmes de dysfonctionnement du couple sont de bons exemples. Deuxièmement, les étudiants découvrent que 75% des études sur les psychothérapies sont consacrées aux TCC (O’Donohue, Buchanan, & Fisher, 2000), ce qui signifie que des comparaisons sérieuses avec des orientations thérapeutiques différentes sont relativement rares. Les jeux de rôle apprennent aux étudiants que les psychothérapeutes ont souvent besoin de s’adapter, même quand le traitement est désigné par la recherche. Par exemple, pour la guidance parentale, nous demandons à un élève de jouer le parent et à un autre de jouer le thérapeute. Avec le temps, le « parent » et le « thérapeute » réalisent que beaucoup de facteurs sont à prendre en compte pour éviter que le traitement soit mis à mal (par exemple, un époux qui n’est pas coopératif, de nombreux enfants qui ont besoin d’attention simultanément, la crainte de mettre en un enfant turbulent « au coin » à cause de murs d’appartements très fins et la peur de voir arriver les services sociaux). Demandez aux étudiants de rassembler des données lors de leurs propres projets d’auto-amélioration. Une tradition dans notre département de psychologie est l’apprentissage du biofeedback et de la relaxation. À l’Université de Scranton, 12 machines à biofeedback mobiles ont été achetées pour que les étudiants puissent s’entraîner seuls à la relaxation musculaire progressive, à l’imagerie, à la respiration diaphragmatique et au biofeedback. Ils empruntent les machines pendant 2 ou 3 semaines, suivent les instructions, et gardent un journal de bord. De telles activités mettent déjà l’accent sur l’adaptation du traitement et l’ubiquité des différences individuelles : tout le monde ne réagit pas de manière favorable à l’entraînement à la relaxation (Lazarus & Mayne, 1990), et les gens n’ont pas la même réaction concernant le type de feedback (signal auditif ou visuel), la méthode de relaxation (relaxation musculaire progressive, imagerie, respiration, méditation, exercice), le moment de la journée, etc. Rien ne rend aussi clair l’importance de l’adaptation d’un traitement pour un élève que de faire lui-même l’expérience d’un traitement qui n’est pas adapté à ses spécificités. Les enseignants peuvent aussi accorder du temps de classe à l’application de la recherche sur l’adaptation du traitement pour les patients à multiples comorbidités et avec des caractéristiques transdiagnostiques, en commençant par la diversité culturelle. Une récente méta-analyse de 65 études, comprenant 8620 patients, a évalué l’impact des thérapies culturellement adaptées et des thérapies traditionnelles (qui ne sont pas adaptées). Les résultats montrent que l’adaptation culturelle est très bénéfique pour ces patients (Smith, Rodriguez, & Bernal, 2011). Les traitements peuvent être adaptés à la culture de diverses façons : l’intégration de données et de valeurs culturelles dans le traitement, l’utilisation de la langue maternelle du client, et le choix d’un thérapeute qui est de la même race ou ethnie. Les enseignants peuvent mettre en place des démonstrations et activités similaires pour d’autres caractéristiques de patients – les préférences, la religion/spiritualité, les étapes du changement, le niveau de réactance, le style de coping- qui sont des indices fiables pour l’adaptation de la psychothérapie (Norcross, 2011). Beaucoup d’étudiants sont ravis de découvrir que la psychothérapie peut être scientifiquement « taillée sur mesure » pour une personne, et pas seulement pour un diagnostic. Enfin, les enseignants peuvent illustrer le proverbe « à chacun sa vérité »[6] en présentant les données d’un cas par étapes successives. Les cas que nous abordons sont sous forme d’apprentissage par résolution de problèmes (comme Docteur House). Ils reproduisent le processus récursif qui permet de beaucoup mieux connaître nos patients que dans les cas de manuels prototypiques. Les cas que nous donnons à nos étudiants sont composés de trois ou quatre parties, et les étudiants s’attaquent au problème en binôme ou en trinôme. La première partie contient des informations sommaires, ce qui est typique lorsque quelqu’un nous est adressé, et l’élève doit écrire quelques phrases décrivant les diagnostics possibles et des idées pour la première séance de traitement. Ils lisent ensuite la seconde partie, qui donne des informations permettant d’affiner le diagnostic et qui exige de prendre en considération des conditions nouvelles qui ne paraissaient pas évidentes initialement. À chaque fois que les étudiants rendent une partie, ils en reçoivent une nouvelle, jusqu’à ce que le cas soit achevé. La dernière partie demande d’établir un diagnostic multi-axial, d’identifier les ressources du patient, de choisir des méthodes de traitement et une posture thérapeutique et enfin de spécifier quels ont été les aménagements. Ceci transmet un message durable issu de la psychologie clinique : la science et le pratique doivent converger pour toujours respecter l’individu et adapter les services qui lui sont proposés. Vive les différences!

Explorer toutes les possibilités du psychologue clinicien en devenir

Nous avons gardé notre principale bête noire ou, si nous voulons être plus positifs, notre leçon la plus importante pour la fin. La plupart des étudiants en psychologie sont attirés par la clinique car elle offre des qualifications et un métier spécifique, généralement en tant que psychothérapeute et docteur en psychologie en libéral, ou en criminologie. Freud, Dr. Phil et l’équipe d’Esprits Criminels sont de grandes références pour les profanes (Huss, 2001). À cause de ces idées reçues courantes, nous tentons d’enseigner aux étudiants la grande variété d’activités professionnelles qui leur est offerte ainsi que les possibilités d’embauches réelles pour les psychologues cliniciens contemporains. Les trois quarts d’entre eux font de la psychothérapie, et ceci constitue généralement 35% de leur temps de travail ; 58% font des bilans diagnostics et d’évaluation ; et environ 50% d’entre eux sont enseignants, superviseurs, consultants, chercheurs ou ont un rôle administratif au moins une fois par semaine (Norcross & Karpiak, 2012). Les étudiants qui souhaitent uniquement se former en psychothérapie seront de plus en plus mal préparés pour une carrière en tant que psychologue clinicien. Les enseignants devraient donc passer plus de temps à organiser des devoirs qui examinent les différentes spécialités de la psychologie clinique : la santé mentale, la psychologie des enfants, la criminologie, la gérontopsychologie, la psychologie communautaire, la neuropsychologie, la psychologie familiale, et la pharmacothérapie (pour ceux qui ont la possibilité de prescrire). Les manuels de psychologie clinique majeurs présentent souvent de nouvelles informations sur ces spécialités aujourd’hui (voir Hunsley & Lee, 2010; Plante, 2011; Pomerantz, 2011; Trull, 2005). Il est presque impossible pour un étudiant attentif de faire le raccourci entre psychologue clinicien et psychothérapeute après un tel cursus. De la même façon, nous insistons pour que nos étudiants soient au courant de la multitude de possibilités d’embauches. Les psychologues cliniciens sont le plus souvent en libéral (41%) ou dans l’enseignement supérieur (26%). Ensuite, nous les retrouvons fréquemment dans les facultés de médecine (8%), les centres d’Anciens Combattants (5%), et les divers hôpitaux et cliniques (4%) (Norcross & Karpiak, 2012). Les psychologues cliniciens peuvent également travailler au gouvernement, dans des écoles, dans des centres de désintoxication, dans l’administration pour la sécurité sociale, dans des centres de traitements privés, et dans des entreprises. Tous les psychologues et profilers que vous voyez dans les médias constituent, d’après nous, moins de 0.1% des emplois existants. Nous organisons des devoirs et des activités qui poussent les étudiants à faire l’expérience de la psychologie clinique réelle, au-delà des stéréotypes de la psychothérapie individuelle en libéral. Lors de ces activités, ils peuvent par exemple s’entretenir avec des examinateurs de la Sécurité Sociale (médico-légale), être formés en relaxation et en bio-feedback (santé mentale), écrire des lettres de gratitude (psychologie positive), passer des tests neuropsychologiques précis (neuropsychologie), se rendre à des conférences données par des collègues en psychologie pédiatrique, en psychologie de la réhabilitation et en gérontopsychologie.

Pour ces raisons-là, nous préférons un cours de psychologie clinique, plutôt qu’un cours sur la psychothérapie, pendant la licence de psychologie. Un cours sur la psychothérapie si tôt fait penser que celle-ci est la principale, et parfois l’unique, activité des psychologues. Cependant la plupart des cursus de licence ne respectent pas cela (Stoloff et al., 2010). Une éducation sérieuse se remet perpétuellement en question et se corrige, se redirige. En psychologie clinique, démanteler la carrière de rêve de certains étudiants peut devenir pathos mathos – l’apprentissage par la douleur. Mais finalement, plus souvent que l’on ne le croit, les étudiants apprennent à devenir tout ce qu’un psychologue clinicien peut être.

En conclusion

Lorsque nous enseignons la psychologie clinique, nous tentons d’être en accord avec ce que nous transmettons. « L’exemple est toujours plus efficace que le précepte», comme le disait si bien Samuel Johnson. En plus de nos postes d’enseignants à temps plein, nous conservons tous les deux une pratique clinique à temps partiel. Les étudiants le sentent si on leur raconte des anecdotes trop anciennes de nos péripéties en tant que stagiaires. Nous devons essayer de rester à la page et ne pas trop nous éloigner de la pratique d’aujourd’hui. Lorsque nous abordons les bénéfices de l’EBP (Evidence-Based Practice ou pratique basée sur les preuves) dans le travail clinique, nous intégrons également ses méthodes d’enseignement dans nos cours. Lorsque les étudiants nous demandent ensuite si nos pratiques pédagogiques ont des fondements scientifiques, cela nous encourage et nous rend humbles. En somme, enseigner la psychologie est passionnant et nous nous sentons privilégiés : nous travaillons avec des étudiants pleins d’idéaux, prêts à travailler et qui ont le souhait de soigner tout en s’aidant sans doute un peu eux-mêmes. Nos enseignements leur permettent de mettre en lien le travail clinique et la science psychologique, de s’engager dans l’EBP, d’adapter leurs traitements aux différences individuelles, et de devenir les meilleurs psychologues cliniciens possibles. Enseigner la psychologie clinique nous permet d’être des modèles, et peut-être même des mentors pour de futurs professionnels qui réfléchiront avec un esprit de scientifique et qui ressentiront les choses avec un cœur d’humaniste.

 

Déclaration de Conflits d’Intérêts

L’auteur déclare qu’il n’y a eu aucun conflit d’intérêts concernant son statut d’auteur, la recherche et/ou la publication de cet article.

Financement

Les auteurs n’ont perçu aucun soutien financier lors de la recherche, l’écriture de l’article et/ou de sa publication.

Notifications

  • Cet article a été traduit en français de sa version originale avec la permission de la Division no 2 de l’American Psychological Association (APA). La Division no 2 ne garantit pas la précision de la traduction française ; la traduction n’étant pas produite par l’APA. Pour des questions concernant cet article ou tout autre publication de la Division no 2 de l’American Psychological Association, merci de contacter [email protected]
  • Cet article a été traduit de l’anglais par Laetitia Ribeyre, psychologue, Ecole de Psychologues Praticiens.

 

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[1] Department of Psychology, University of Scranton, Scranton, PA, USA

[2] Cet inventaire est l’un des plus utilisés aux États-Unis pour évaluer les forces d’un individu et élaborer des possibilités de carrière. Il est basé sur la théorie de Holland, qui estime que nous pouvons diviser les individus selon six grands thèmes : investigative (enquêteur), social occupation (services sociaux), conventional (conformiste), realistic (réaliste), enterprising (entrepreneur), social (social), artistic (artistique). Cet inventaire s’apparente à l’IRMR en France, également basé sur la typologie de Holland, de Bernaud et Priou (1993).

[3] En français, « la pratique fondée sur les preuves ou les faits »

[4] ‘‘requires the integration of the best research evidence with our clinical expertise and our patient’s unique values and circumstances’’

[5] ‘‘the integration of the best available research with clinical expertise in the context of patient characteristics, culture, and preferences’’

[6] Different strokes, different folks


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